A quoi servent vos impôts? Le gouvernement répond

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Nous essayons souvent d’évaluer, au cours d’enquêtes et d’analyses, le coût des différents services de l’Etat pour le contribuable. Peine inutile : le gouvernement pense à tout et publie, sur le site du ministère de l’Economie, une carte interactive qui dissuaderait le plus libéral d’entre nous de pester contre les impôts.

La carte rappelle ce tapis de notre enfance, avec ses routes et ses parcs, sur lequel nous faisions rouler des petites voitures. On y voit plusieurs bâtiments, comme un cinéma, une piscine, une université, une caisse des allocations familiales, un commissariat de police… Cliquez sur les bâtiments et vous pourrez lire ce que coûtent au contribuable les services que chacun propose. Ainsi, selon la Cour des comptes, l’accueil dans les services de police coûte en moyenne 78,50€ par personne, un passage aux urgences coûte 227€, remboursés par l’Assurance maladie à 80%, et 45% des recettes des principaux musées nationaux sont des subventions de l’Etat. Ayant pris connaissance de cette formidable société, vous pouvez donc fermer la fenêtre Internet et remplir, le sourire aux lèvres, votre déclaration d’impôts.

Quid des privilèges des agents de l’Etat?

C’est joli comme tout, mais un peu moins si l’on va fouiller en coulisses. Prenons la gare. On y apprend que le coût du TER est assuré à 55% par la Région, à 28% par l’Etat et « seulement à 17% par le voyageur ». C’est un peu court. On aurait été heureux d’obtenir des informations sur le financement de la SNCF, à qui les contribuables donnent chaque année plus de dix milliards d’euros. Ce détail ne rentre probablement pas dans le récit d’une société idéale, pas plus que les dépenses de l’Etat pour EDF, dont on ne trouve nulle trace sur la carte interactive.

Il manque également les différents ministères et autres institutions nationales. Nos impôts ne servent pas, n’en déplaise au graphiste d’ailleurs fort compétent dans son domaine, qu’à payer le train des vacances, les écoles et le cinéma avec son conjoint. Il sert aussi à payer nos ministres, les fonctionnaires de Bercy, les membres du Parlement, et surtout ceux du Conseil constitutionnel. Mais là encore, les salaires peut-être un peu élevés de certains, payés par le contribuable, ne rentrent pas dans le narratif du petit monde de l’étatisme. L’honnêteté aurait également demandé d’inclure, dans ce que paie l’Etat, une manifestation syndicale qui aurait bloqué les routes bien propres.

Un détail des destinations de l’argent public imprécis

En navigant sur le site, on découvre les différentes destinations d’une enveloppe de 1 000€ d’argent public. Ainsi, 6% va au régalien, 9,5% à l’éducation, 15,6% aux « dépenses sectorielles », 2,8% à la dette, 6,6% au fonctionnement des administrations publiques, 2,3% à la recherche et enfin 57,2% à la protection sociale. Les dépenses sectorielles rassemblent les affaires économiques, la culture, l’environnement, les infrastructures, le transport et les équipements collectifs. Cette répartition prouve, s’il en était besoin, que l’Etat se préoccupe beaucoup plus du social que du régalien.

Le contribuable, saigné aux quatre veines pour que l’Etat survive, mériterait pourtant plus d’égards. Il serait on ne peut plus normal qu’il sache où va son argent, quelle part dans la communication, quelle part dans les ressources humaines, dans les frais de fonctionnement, dans les notes de frais, dans les actes effectifs, etc. Eh bien, il cherchera en vain ces informations dans la carte interactive du ministère, pourtant censée répondre à ce genre de questions. Pour le gouvernement, seule semble compter l’élaboration d’un récit selon lequel, comme il le précise sur une autre page, la solidarité nationale est ce qui motive l’impôt. Si le contribuable peut peut-être faire preuve de solidarité envers le malade, le vieillard ou les familles, il peut y être moins prêt quand il s’agit du directeur de la SNCF, d’un ministre et du conjoint d’un haut fonctionnaire.

La carte interactive du ministère de l’Economie est, au fond, à l’image de ce que propose le gouvernement. Une communication propre, compréhensible à première vue, mais simplifiée à la limite de la dissimulation. Le contribuable moyen est obligé de consulter des think-tank pour savoir à quoi servent ses impôts alors que cette information devrait être disponible facilement, presque sans la demander.

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