Face à la crise en Ukraine, l’Allemagne change de politique

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La crise ukrainienne montre les difficultés que peut poser l’interdépendance entre les différents pays du monde. Lorsque nous ne sommes pas capables de produire un élément déterminant de notre économie, ou que nous ne l’importons pas depuis un pays ami, les conséquences en cas de conflit sérieux peuvent être dramatiques. L’Allemagne est en train de s’en apercevoir.

L’entrée des troupes russes en Ukraine met les pays occidentaux devant un dilemme : d’un côté, ils voudraient infliger des sanctions, notamment économiques, à Poutine. De l’autre, ils dépendent de certaines ressources russes et craignent un retour de bâton. Lors de sa session extraordinaire sur la livraison d’armes à Kiev, le chancelier Olaf Scholz a annoncé deux grands changements dans la politique allemande.

L’Allemagne diversifie ses sources d’énergie sans arrêter les énergies renouvelables

La politique énergétique allemande est particulièrement discutable. Après la catastrophe de Fukushima, en 2011, Angela Merkel annonçait que l’Allemagne sortait du nucléaire. Aujourd’hui cette décision et le développement des énergies renouvelables ont engendré un surcoût du kilowattheure, presque deux fois plus cher qu’en France, sans que les objectifs de réductions du CO2 aient été atteints. En 2020, l’Allemagne produisait 9,9 tonnes de CO2 par habitant et par an, contre 5,2 pour la France. Un quart des émissions de CO2 de l’Union européenne venaient de l’Allemagne, qui était le septième pays le plus pollueur du monde en 2020. Dans la situation actuelle, le plus grave est que nos voisins Outre-Rhin fonctionnent avec un mélange d’énergies renouvelables, de charbon, et surtout de gaz… russe. La Russie a d’ailleurs construit le gazoduc Nordstream II pour l’acheminer vers l’Europe occidentale à travers la mer Baltique, sans passer par l’Ukraine. Elle deviendrait alors indépendante de son voisin, tout en conservant son pouvoir sur les pays occidentaux. L’Allemagne a donc choisi de suspendre la certification de ce gazoduc et de conditionner la reprise du chantier à la reconnaissance, par Moscou, des provinces ukrainiennes pro-russes.

Pour autant, en l’état, l’Allemagne est dépendante du gaz russe à cause de son rejet du nucléaire et parce que beaucoup de ses systèmes de chauffage fonctionnent au gaz. Cela a pu la rendre frileuse face aux sanctions économiques conseillées par l’OTAN dans le cadre de la crise ukrainienne. Olaf Scholz souhaite donc importer du gaz d’ailleurs, notamment par la construction d’infrastructures et de deux terminaux pouvant accueillir du gaz liquéfié en provenance des Etats-Unis, du Canada ou du Qatar. Il souhaite aussi développer les hydrocarbures et les énergies renouvelables. De plus, Robert Habeck, ministre de l’Economie et du Climat et membre de die Grüne, parti écologiste allemand, a annoncé qu’il ne s’opposerait pas à l’utilisation du nucléaire à l’avenir, ce qui est un important changement de politique. Les trois dernières centrales allemandes, qui devaient s’arrêter cette année, pourraient finalement voir leur durée de vie prolongée. En revanche, la sortie des énergies renouvelables ne semble pas envisagée, malgré leur inefficacité.

Une remilitarisation annoncée de l’Allemagne

Depuis 2006, les pays membres de l’OTAN doivent consacrer au moins 2% de leur PIB à la défense pour garantir une disponibilité opérationnelle. Or, en 2020, seuls onze d’entre eux, sur les trente, respectaient cette promesse. Les Etats-Unis supportent plus des deux tiers des dépenses de l’OTAN, ce qui avait poussé Donald Trump à menacer d’en sortir, à cause de cette sous-militarisation des autres Etats et de l’importance du gaz russe pour l’Allemagne. La situation donne aussi du grain à moudre à ceux qui considèrent que l’OTAN est un agglomérat de pays au service des Etats-Unis.

L’Allemagne fait partie des mauvais élèves, puisqu’elle consacrait seulement 1,53% de son PIB à la défense en 2021. Or, Olaf Scholz a décidé d’allouer cent milliards d’euros supplémentaires aux dépenses militaires, soit plus du double du budget de l’an dernier. Cette mesure de court terme sera doublée d’un effort accru pour atteindre les 2% du PIB consacrés à la défense réclamés par l’OTAN.

Malgré ces annonces étonnantes, Olaf Scholz veut « maintenir ouverts les canaux de discussion » avec la Russie. Il y a là une certaine cohérence avec ses deux annonces précédemment évoquées : la remilitarisation de l’Allemagne lui permettrait de tenir une place plus crédible au sein de l’OTAN, et une meilleure indépendance énergétique la placerait en position moins difficile dans les négociations que Scholz semble vouloir mener avec la Russie. Forte de ces atouts et de son économie, l’Allemagne pourrait traiter avec la Russie pour obtenir de meilleures garanties de paix pour les pays frontaliers comme l’Ukraine, mais aussi les pays baltes et scandinaves.

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