LES QUOTAS D’ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE – UNE SOLUTION ALTERNATIVE PERMETTANT DE GARANTIR LES ACTEURS DU MARCHE DE L’ENERGIE

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Bogdan C. Stoica, Claudia Salomia – Popovici Niţu Stoica & Asociaţii

Dans le contexte de la crise énergétique actuelle, les acteurs du marché de l’électricité et du gaz naturel, tant les distributeurs, que les gros consommateurs, subissent une pression considérable du fait de la hausse du prix de l’énergie. Contraints souvent de recourir à un système de crédit-fournisseur et d’exposer ainsi considérablement leurs relations clients, les fournisseurs recherchent des solutions de garantie alternatives aux solutions traditionnelles.

Les actifs des gros consommateurs sont parfois insuffisants dans les conditions actuelles pour couvrir la valeur totale des quantités d’énergie contractée. D’autre part, les fournisseurs sont de plus en plus soucieux de trouver des garanties alternatives qui leur apportent une protection et liquidités réelles en cas de défaillance du client.

Ainsi, des garanties alternatives ont été recherchées aux moyens des quotas d’émissions de gaz à effet de serre (généralement appelés quotas de carbone ou quotas de CO2). Étant donné qu’il s’agit de documents négociables dans un cadre centralisé, les quotas de CO2 bénéficient d’un cadre juridique spécifique, qui ignore pourtant une question essentielle qui se pose au sujet des garanties inscrites sur ces quotas, à savoir la nature juridique des quotas, élément essentiel pour déterminer les formes de garantie qui peuvent être constituées sur ceux-ci. Le sujet a été largement débattu au niveau de la Commission Européenne, l’enjeu étant justement d’ouvrir la voie pour que ces instruments juridiques puissent constituer des garanties.

En principe, les quotas de CO2 sont considérés comme des droits administratifs transférables, qui ne comprennent qu’un permis d’émettre une certaine quantité de CO2 pendant une certaine période au cours de l’activité. Certaines dispositions du droit de l’UE les définissent comme des instruments fongibles, dématérialisés et négociables.

Finalement, même s’il revenait aux États membres de l’UE de leur donner une qualification expresse, il y a peu d’États qui aient figé leur nature. Même en Roumanie, jusqu’à présent, il n’existe aucune norme qui les qualifie expressément de biens ou d’éléments incorporant un droit de propriété. En accord avec les lignes directrices de l’UE, la loi roumaine définit le quota de CO2 comme „un titre conférant le droit d’émettre l’équivalent d’une tonne de dioxyde de carbone pendant une période définie, valable uniquement pour atteindre l’objectif de la présente décision et qui est transférable dans les conditions établies par la présente décision.” (DG no. 780/2006 sur l’établissement d’un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre).

Bien qu’il n’existe aucun obstacle législatif à la création d’une hypothèque mobilière sur ces quotas, le manque de prévisibilité, généré par un cadre législatif lacunaire, a conduit à la réticence des acteurs du marché de l’électricité à recourir à toute forme de garantie inscrite sur des quotas de CO2.

Face à de telles situations générées à l’occasion de l’activité de nos clients, nous avons exploré les différents moyens de garantie en partant de l’essence de ces quotas – en réalité, bien que la loi semble les réduire à de simples autorisations administratives d’émission de CO2, ils revêtent un caractère sui generis, il est possible de leur attacher une valeur monétaire, ils sont négociables et cessibles à titre onéreux entre les acteurs du marché de l’électricité.

Toutefois, tel que précédemment exposé, il n’y a cependant pas de pratique consolidée pour inscrire des sûretés sur ces quotas. Qui plus est, nous soulignons qu’actuellement le Registre Unique, la base de données électronique qui regroupe et assure la traçabilité de l’ensemble des opérations moyennant les quotas, ne permet d’y inscrire aucune sûreté, aucune limite ou droit au bénéfice d’un tiers. Néanmoins, cela ne devrait pas conduire à la conclusion que les quotas ne pourraient pas faire l’objet de garanties, mais simplement que de telles solutions n’ont pas été encore explorées dans le contexte législatif actuel.

En outre, dans le Registre National de Publicité Mobilière, aucune garantie n’a été inscrite jusqu’à présent sur des quotas CO2. Pourtant, selon la doctrine, il devrait être permis d’enregistrer au titre d’une sûreté tout ce qui pourrait être identifié ou identifiable et quantifié en argent. De manière similaire, bien qu’aucune exécution forcée des quotas CO2 n’ait été effectuée jusqu’à présent, il y a des huissiers qui envisageraient la possibilité de faire des saisies, à condition que certaines exigences légales soient remplies, notamment : être en présence de biens ou de droits auxquels il serait possible d’attacher une valeur exprimée en argent et qui puissent être cessibles.

Compte tenu des réticences exprimées au sujet d’un possible encadrement dans la catégorie des sûretés classiques, nous soulignons qu’une attention particulière devrait être dirigée vers ces objets réglementés spécifiques qui visent à sécuriser les droits sur les quotas de CO2, tels que : la désignation par le créancier d’un représentant autorisé sur le compte où sont inscrits les quotas de CO2 au nom du débiteur – titulaire de compte, ou le transfert à titre de garantie des quotas du compte du débiteur sur compte du créancier.

Dans les deux cas, il y aurait une série de particularités à prendre en compte et de limitations imposées, à l’instar des celles appliquées en matière de garanties classiques. L’un des inconvénients à prendre en compte serait l’absence d’une forme de publicité effective de l’inscription de la garantie (i.e. une fois inscrits sur un compte, le titulaire du compte pourrait théoriquement disposer librement de quotas). Ensuite, se pose la question des pouvoirs du représentant autorisé sur le compte, ou encore de la liberté qu’aurait le titulaire du compte d’accorder ou de retirer le droit, d’initier ou encore d’approuver des transactions avec les certificats enregistrés sur le compte, de limiter l’accès ou, à sa discrétion, d’accorder un simple droit de surveillance des transactions du compte.

En ce qui concerne le transfert des quotas d’un compte à un autre, il y a des questions clés auxquelles il conviendrait de répondre en amont, à savoir le moment effectif du transfert de la propriété sur les quotas et les modalités de fixation d’un prix; ainsi, les parties serraient-elles libres  de s’entendre sur un prix ou, au contraire, seraient-elles tenues de transférer les quotas au prix du marché ? Si le transfert venait à se réaliser au prix du marché, ne s’agirait-il pas, en pratique, d’un paiement par l’intermédiaire des quotas ? La garantie devrait-elle être limitée dans le temps, en ce qui concerne l’obligation pour le titulaire de restituer annuellement des quotas en fonction de la quantité de CO2 effectivement émise l’année précédente? Le titulaire pourrait-il être contraint de maintenir la garantie sur les quotas qu’il détient et d’acheter de nouveaux quotas sur le marché afin d’être en mesure de remplir son obligation annuelle de remboursement ? Le transfert des quotas entre deux comptes, en une seule opération, sans être doublé d’une garantie telle qu’une  hypothèque mobilière, serait-il suffisant pour remplir sa fonction de garantie ? Quelle serait le titre exécutoire ou la base légale pour une éventuelle exécution forcée, à défaut d’un contrat de garantie classique ? Evidemment, quant au choix d’une forme de garantie, les aspects fiscaux constituent également un élément essentiel qui nécessiterait une analyse personnalisée au cas par cas.

Au-delà de toutes les particularités mentionnées ci-dessus, nous estimons néanmoins que les opérations de garantie sur des quotas de CO2 devraient être possibles, même si il ne s’agit pas d’une forme traditionnelle de garantie, et que les quotas constituent une modalité qui pourrait apporter une certaine aisance aux deux parties impliquées en leur offrant un moyen pratique pour que de nombreux acteurs du marché de l’énergie puissent  résoudre les problèmes générés dans le contexte actuel.

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