Nikolaï Mitrokhine : « Donbass : guerre civile ? Guerre interétatique ? Guerre hybride ? »

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Nikolaï Mitrokhine est un sociologue russe, historien, journaliste, chercheur spécialiste de la religion orthodoxe russe au sein de divers instituts de sociologie et d’économie en Russie.

Il est co-auteur de cet ouvrage collectif qui fait le point sur ce qu’on appelle la guerre du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, entre avril 2014 et mi-2020, et qui est maintenant, après l’invasion russe de l’Ukraine, sous le feu de l’actualité. L’ouvrage propose une introduction au conflit et explique le principal point à propos de cette guerre: le rôle joué par l’invasion russe secrète. Contrairement à ce que le pouvoir russe a raconté, il n’y a pas eu de « soulèvement populaire » dans cette région. Les combats militaires dans le Donbass commencèrent à l’initiative de la Fédération de Russie, laquelle a armé et laissé passer à travers la frontière le groupe « bataillon Crimée » du lieutenant-colonel du FSB [Service fédéral de sécurité, les services secrets russes] en retraite Igor Guirkine (Girkin), spécialiste d’abord de la thématique « tchétchène », puis de l’« ukrainienne », connu également sous le pseudonyme de « Strelkov ».

Toujours pour comprendre ce qui se passe au Donbass, on peut lire le texte du même écrivain russe publié dans La vie des idées le 22 mars 2022, et intitulé : « A l’Est de l’Ukraine. Une vision (russe) du conflit au Donbass ». On y apprend comment, pour justifier l’invasion de l’Ukraine, Moscou réécrit l’histoire du conflit au Donbass depuis 2014 , et quel a été le rôle central du Kremlin dans cet affrontement, dans le pillage et la terreur organisés par les forces « pro-russes ». Bombardements, attaques incessantes, crimes, pillages… le conflit dans cette région n’a pratiquement jamais cessé. Poutine a voulu s’approprier la région et c’est ce qu’il va continuer de faire. Mitrokhine rappelle aussi les conséquences économiques de l’invasion russe de 2014 : « Les droits des propriétaires n’étaient pas protégés, leurs biens leur étaient extorqués puis redistribués entre les auteurs de ces extorsions. Les usines et les installations qui faisaient autrefois l’orgueil de ces régions ont été découpées pour en faire de la ferraille et expédiées en Russie pour presque rien, les travailleurs des usines restantes n’ont pas reçu leurs misérables salaires pendant six mois, et tous les rares profits de ce territoire autrefois prospère sont passés dans les mains des fonctionnaires et des oligarques de Moscou. Au moins un tiers de la population (peut-être jusqu’à la moitié) a quitté le territoire pour se rendre en Ukraine ou en Russie, car il était tout simplement dangereux d’y vivre — non pas à cause des bombardements, mais à cause des atrocités des vainqueurs et de l’absence de vie économique normale. » On sait à quoi s’attendre en cas d’une victoire russe et après l’annexion complète de ces territoires.

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