“NOUS ANTICIPONS UN ATTERRISSAGE EN DOUCEUR EN 2019”

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près avoir dressé le bilan de 2018, Olivier Eluère, économiste au Crédit Agricole S.A., expose les éléments qui pourraient peser sur les prix et les transactions.

QUEL BILAN DRESSEZ-VOUS DE 2018 ?

En 2018, l’immobilier ancien est resté dynamique avec 970 000 ventes, même niveau qu’en 2017, soit un record historique ! Côté prix, ils progressent aussi de 3% sur un an. Dans le neuf, les ventes de logements promoteur ont baissé de 2,8% à 128 000 unités, ce qui reste un très bon niveau. En revanche, les ventes en bloc promoteur (en bonne partie des bailleurs sociaux) ressortent à environ 30 000 unités (-20%, source FPI). Quant aux maisons individuelles hors promoteur, 120 000 ventes ont été enregistrées contre 135 000 en 2017 (-11,1%). Ce segment n’a jamais retrouvé le niveau du boom précédent de 2006-2007 (189 000/an). Le neuf a donc connu une baisse significative d’environ 6% des ventes en 2018. A noter que les prix des appartements neufs sont en ligne avec ceux de l’immobilier ancien (+3%).

COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS CE DYNAMISME ?

Le marché français bénéficie de soutiens structurels de la demande : une démographie positive, la décohabitation des ménages, la préparation de la retraite… Et dans un environnement marqué par de nombreuses incertitudes (économiques, financières, politiques), l’immobilier demeure une valeur refuge. De plus, le modèle de crédit habitat français est prudent avec des taux de défaut très faibles. Tout cela explique pourquoi ce marché est toujours haussier sur une longue période.

S’ajoutent des aspects conjoncturels comme le niveau très bas des taux de crédit habitat de 1,5% en moyenne (hors assurances). Cela entraîne des effets de rattrapage ou d’aubaine, car si les prix sont élevés, les conditions de financement restent attractives. L’allongement de la durée du crédit (entre 19 et 20 ans) et la réduction de l’apport personnel facilitent aussi le financement d’acquisition pour certains ménages.

EN QUOI CE CYCLE ACTUEL EST-IL ATYPIQUE ?

Pour rappel, en France, entre 2000 et 2007, les prix de l’ancien en cumulé ont grimpé de 155%. Sur la période 2008-2017, les prix ne se sont pas corrigés mais ont connu une quasi-stagnation. Ainsi, depuis 2000, la hausse cumulée est de 165%. Un phénomène non observé dans d’autres pays européens comme l’Espagne, l’Irlande ou l’Italie où les prix ont connu des baisses marquées après la crise de 2008 de l’ordre de 20% à 40%. Ces marchés se sont donc assainis après le boom précédent, à la différence de la France. Du coup, les ménages se sont resolvabilisés davantage grâce à la baisse des taux et non des prix. C’est en cela que le cycle actuel est atypique.

Y A-T-IL UN RISQUE DE BULLE ET COMMENT VONT EVOLUER CES TAUX ?

Au niveau national, les prix ne semblent pas surévalués, ce qui rend le risque de bulle peu probable. Cependant, depuis la crise de 2008, les prix sont nettement remontés dans certaines villes comme Paris, Lyon et Bordeaux, et sont clairement élevés et surévalués par rapport aux fondamentaux.
Pour ce qui est des taux de crédit, cela dépend en bonne partie du niveau des taux d’intérêt longs français à 10 ans (OAT à 10 ans) qui sont quasi stables depuis deux ans et surtout très bas. Et cela devrait perdurer en raison, notamment, du ralentissement de la croissance économique en zone euro, d’une politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne, et de l’appétit des investisseurs pour les actifs sans risques comme les emprunts d’Etat français ou allemand. Résultat, les taux de crédit habitat devraient rester bas et continuer à soutenir le marché immobilier. Mais attention, en cas de remontée des taux d’intérêt longs et des taux de crédit, une correction à la baisse est possible.

QU’EN EST-IL POUR 2019 ?

Nous anticipons un atterrissage en douceur, sans risque de bulle ou de rupture brutale puisque le marché reste globalement sain et équilibré (même s’il semble surévalué dans certaines grandes villes comme vu plus haut). Certes, il sera en deçà des records historiques de 2018 en raison : d’une moindre capacité d’achat des ménages sous l’effet conjugué d’une hausse des prix et d’une probable stabilité des taux de crédit (voire une légère remontée en 2020), rendant les acheteurs prudents et attentistes ; de mesures moins favorables au neuf (recentrage du Pinel et du PTZ sur des zones tendues) ; d’un environnement économique incertain ; d’une confiance des ménages mitigée ; d’une faiblesse de l’offre, notamment dans les grandes villes. En 2019, les ventes devraient donc se replier de 4% dans l’ancien et de 6% dans le neuf (-6% dans le segment promoteur, -5% dans les maisons individuelles). Les prix, quant à eux, seraient en légère hausse de 2%.

INVESTIR DANS L’IMMOBILIER EST-IL TOUJOURS INTERESSANT ?

Cela reste toujours un actif privilégié par les épargnants. Comparé au rendement des taux longs, qui devraient rester bas encore quelque temps, l’immobilier apparaît plutôt attractif notamment quand il est cumulé à un dispositif du type Pinel. Les taux de rendement restent toutefois assez modérés avant effet fiscal : 3% brut à Paris et 4,5 % à 5 % brut en province.

À SAVOIR

Le Groupe Crédit Agricole S.A. est le 1er financeur de la promotion immobilière(1) de France et dispose de 31 milliards d’euros d’encours immobilier sous gestion.

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