Allonger la durée de vie des produits avec l’indice de réparabilité

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Dans le cadre de la campagne de sensibilisation #LesBonnesHabitudes, menée par le ministère de la Transition écologique, l’Ademe et 12 éco-organismes, nous avons rencontré Stéphane Hocquet, l’un des architectes de l’indice de réparabilité.

Directeur adjoint à la sous-direction des Entreprises au ministère de la Transition écologique, Stéphane Hocquet fait partie du commissariat général au Développement durable (CGDD). Il est chargé des relations avec les entreprises afin de favoriser l’émergence d’une économie plus circulaire. Il s’est notamment occupé de la mise en œuvre de l’indice de réparabilité avec les différents partenaires engagés. L’objectif de l’indice de réparabilité ? Une meilleure information du consommateur sur le caractère plus ou moins réparable de ses achats, pour écarter les objets à l’obsolescence trop rapide, et donc limiter le gaspillage des ressources.

Les Numériques – L’indice de réparabilité est “opérationnel” depuis le 1er janvier 2021. Pouvez-vous revenir sur la genèse de l’indice et nous retracer l’historique ?

Stéphane Hocquet – Pour tous les modèles de production et de consommation durable nous travaillons déjà depuis longtemps sur l’écoconception, les comportements plus vertueux et responsables des entreprises avec notamment la prise en compte de la durée de vie des produits et la lutte contre l’obsolescence programmée. En 2018, lors de la FREC (Feuille de route pour l’économie circulaire), nous devions travailler sur l’allongement de la durée de vie et d’usage des produits. Aujourd’hui, indiquer la durée de vie d’un produit n’est pas très réaliste. En collaboration avec les fabricants, les vendeurs, les réparateurs, les ONGE (organisation non gouvernementale environnementale), nous nous sommes penchés sur la mise en place d’un indice de durabilité prévu pour 2024, mais avec comme première étape un indice de réparabilité.

L’attente d’un indice de réparabilité sur ces produits de grande consommation était très importante.

Stéphane Hocquet, directeur adjoint à la sous-direction des Entreprises au ministère de la Transition écologique

Ce fut un travail de longue haleine et difficile à mettre en place ?

Pendant plus de 2 ans, nous avons travaillé en ciblant des produits, afin de définir une méthode à la fois simple et relativement complète. Les fabricants français et étrangers ont joué le jeu en nous indiquant quelles étaient les pannes les plus fréquentes, les pièces les plus fragiles. Finalement, cet indice est le fruit d’environ 70 ateliers de travail, ce qui est considérable. Nous avons abouti, de manière consensuelle, à rédiger une méthodologie de travail et à la mise en place d’une grille de calcul propre à chaque catégorie de produit.
90 % des règles, critères et sous-critères ont été obtenus par voie consensuelle. Il y a eu des frictions bien sûr et nous avons dû arbitrer, car les réparateurs n’avaient pas forcément la même vision que les fabricants sur certains aspects. Les travaux techniques se sont terminés avant la fin du premier trimestre 2020. Notre objectif premier n’est pas de contraindre les fabricants, mais bien de fournir de l’information claire et lisible aux consommateurs qui peuvent ainsi choisir les produits en connaissance de cause avec un indice de réparabilité qui est une première étape vers des appareils plus durables.

Comment avez-vous choisi les différents produits pour cet indice ? Vous avez considéré les smartphones, les ordinateurs portables, les lave-linge à hublot, les téléviseurs, mais également les tondeuses électriques. Pourquoi ce dernier choix ?

Il y a une raison pragmatique. Nous avions besoin d’un équipement de loisir qui relève du bricolage. Les fabricants dans ce domaine étaient volontaires et nous avons fait également une économie d’échelle avec 3 produits dans cette catégorie. Il fallait également élargir le spectre de l’indice à des produits moins high-tech.

Pour ces cinq produits, le travail de défrichage a été considérable et nous voulions nous concentrer sur des produits très utilisés.
Pourquoi se contenter de cinq typologies de produits ? Ne fallait-il pas avoir un indice massivement plus visible pour sensibiliser un public plus large ?

Pour ces cinq produits, le travail de défrichage a été considérable et nous voulions nous concentrer sur des produits très utilisés. L’attente d’un indice de réparabilité sur ces produits de grande consommation était très importante. C’est vraiment sur ces produits largement disponibles que nous souhaitions infléchir la manière de consommer et d’acheter.

Après cette première étape, quels sont les autres produits qui auront le droit à un indice de réparabilité ?

Rien n’est défini officiellement et nous avons perdu pas mal de temps avec le confinement. On peut raisonnablement penser que les lave-linge à chargement par le dessus, les tablettes, les aspirateurs, les lave-vaisselle seront sans doute concernés à plus ou moins longue échéance. En revanche, nous n’essayons pas d’être exhaustifs au niveau des produits électriques/électroniques car la liste est vraiment trop longue.

À l’avenir, les fabricants seront-ils plus autonomes pour créer ces indices ?

Nous serons toujours en concertation avec les fabricants. Pour chaque nouveau produit faisant l’objet d’affichage de l’indice, il y aura un arrêté. Nous sommes donc très impliqués et nous contrôlerons tous les éléments qui mènent au calcul de l’indice. Nous sommes dépositaires de la méthodologie et du choix des critères.

Les textes d’application ont été publiés en décembre 2020, et même si certains constructeurs étaient déjà prêts, il est difficile pour tous les acteurs de répondre présent dès les premiers jours de 2021. Quelle souplesse allez-vous accorder aux fabricants et aux vendeurs pour se conformer ?

Nous l’avons anticipé par la force des choses. L’indice est entré en vigueur au 1er janvier 2021, mais la partie “contrôles et sanctions” ne le sera que le 1er janvier 2022. Toutes les entreprises concernées ont donc une année pour déployer cet indice. Les grilles d’évaluation sont disponibles depuis longtemps et n’ont pas été modifiées lors du passage des projets de textes devant le Conseil d’État.

Un site, www.indicereparabilite.fr, compile la plupart des notes actuellement disponibles, mais apparemment, ce n’est pas une communication du gouvernement. Pourquoi ?

Nous sommes dans une ère de l’open data et ces données doivent être en libre accès, ce qui permet à ce genre de site de faire ces compilations et comparaisons précises pour l’information du consommateur. La loi prévoit que l’autorité administrative pourra centraliser l’ensemble des notes et détails de l’indice et, à terme, cette compilation globale sera effectuée, nous y réfléchissons déjà, avec tous les acteurs d’ailleurs. Mais on voit dès aujourd’hui que des initiatives telles que celle de Spareka ou des Numériques remplissent efficacement ce rôle d’entreposage/compilation, avec sans doute les analyses comparatives qui sont un plus par rapport à l’action administrative qui doit rester neutre.

L’indice est calculé sur une base déclarative. Pourquoi ne pas avoir choisi d’opérer des mesures avec un laboratoire indépendant pour rassurer le consommateur ?

Comme la plupart des dispositifs obligatoires destinés à informer les consommateurs (étiquette énergétique, marquage CE témoignant du respect des normes européennes), l’indice de réparabilité est auto-déclaratif. Ce dispositif est transparent dans la mesure où le détail de la notation doit être mis à la disposition du consommateur par le vendeur, et auprès du public et de tout demandeur par le producteur. En outre, les déclarations des fabricants et importateurs sont placées sous la vigilance des parties prenantes (dès aujourd’hui) et sous le contrôle des autorités publiques (DGCCRF) à partir de 2022. À ce titre, les outils permettant le calcul de l’indice sont en libre accès sur le site du ministère de la Transition écologique.

Vous évoquez l’étiquette énergie. Vous espérez obtenir les mêmes résultats avec l’indice de réparabilité ?

Notre ambition, c’est vraiment de développer l’écoconception et cet indice devrait participer à cette réflexion chez les fabricants. Nous voulons également reproduire le phénomène d’éviction qu’a occasionné l’étiquette énergie. Aujourd’hui, on ne trouve plus que des produits A++, ce qui est une bonne chose. L’effet recherché par l’indice, c’est un peu la même chose. Pour l’instant, il n’y a pas d’indice en dessous de 5. Et je pense qu’on ne verra que peu de produits avec des mauvaises notes car ils seront retirés du marché tout simplement.

“Notre ambition, c’est vraiment de développer l’écoconception et cet indice devrait participer à cette réflexion”

– Stéphane Hocquet, Stéphane Hocquet, directeur adjoint à la sous-direction des Entreprises au ministère de la Transition écologique

Et pour les contrôles et les sanctions, comment cela va-t-il se passer ?

L’article 27 de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (loi AGEC) détermine tout cela. Il y a deux choses. Il y a une amende pour tout défaut d’affichage. Comme nous l’avons évoqué, au 1er janvier 2022, les produits non étiquetés seront sanctionnés d’un montant de 15 000 € pour une personne morale. Ensuite, il y a deux types d’action possible. La DGCCRF (direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) pourra par exemple contrôler le calcul de l’indice, même sur des données qui ne sont pas rendues publiques. Tous les éléments pourront être demandés et vérifiés “sur pièces et sur place”. D’autres acteurs pourront également vérifier les notations comme les réparateurs pourront également remonter des informations. On peut sans doute compter sur le fait que les constructeurs réalisent des mesures pour leurs produits, mais également les produits de la concurrence. Enfin, les consommateurs et leurs associations disposent de l’arsenal de recours contre les “allégations commerciales trompeuses”, voire si cela est plus difficile en termes de charge de la preuve, de l’invocation du délit d’obsolescence programmée.

Au 1er janvier 2022, les produits non étiquetés seront sanctionnés d’un montant de 15 000 €
Certaines marques, comme Apple, ne fournissent pas de pièces détachées aux particuliers, mais les réservent aux réparateurs agréés. Est-ce pris en compte par l’indice ?

Absolument. Toutes les grilles d’évaluation, et notamment celles des smartphones et des ordinateurs portables, prennent en compte ce critère de disponibilité “pour tous” ou sélective. Apple est en train de changer de politique sur l’accès aux pièces détachées, notamment en France, en les proposant aux réparateurs indépendants. Dans une logique similaire de meilleure réparabilité, nous savons que plusieurs constructeurs, dont Apple, envisagent également de limiter au maximum la fixation de pièces par des colles.

Prendre en compte le coût des pièces détachées est important, mais pourquoi ne pas prendre en compte le coût total de la réparation ? Si la pièce détachée n’est pas chère, mais que la réparation nécessite 3 heures de main d’œuvre, il n’est pas certain qu’il soit intéressant financièrement de faire réparer un produit à 100 €.

On a sincèrement essayé, mais c’est vraiment compliqué et nous n’avons pas pu trouver un système objectivable pour prendre en compte ce point. C’est effectivement un point primordial, mais trop complexe à mettre en œuvre. L’indice doit rester “simple” pour être bien approprié par tous.

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