Le Negresco, Le Chantecler… deux noms iconiques et légendaires pour un seul et même lieu.
Le Chantecler, situé au coeur de l’emblématique palace niçois, a très vite été une référence de la haute gastronomie française, tout comme La Chèvre d’Or, La Tour d’Argent, Le Grand Véfour. Il a accueilli durant son long parcours une lignée de grands chefs qui ont continué à raconter son histoire tout en écrivant de nouveaux chapitres aux différentes inspirations culinaires.
Tout a commencé en 1978 avec l’arrivée du bouillonnant, inventif et passionnant Jacques Maximin, qui a propulsé, de par sa personnalité et sa cuisine méditerranéenne de haute volée et ses techniques innovantes, Le Chantecler dans le firmament des étoilés et de la notoriété durant 11 années. Le sincère et authentique Dominique Le Stanc prend le relais pour les 8 années suivantes, Alain LLorca, le chef au grand coeur provençal, maintient les deux étoiles jusqu’à son départ, le trépidant Michel Del Burgo (décédé en 2017) y succède quelques temps et le très précis et académique MOF Jean-Denis Rieubland récupère la seconde étoile précédemment perdue, et la maintient avec dextérité durant 10 ans.
Depuis 2018, c’est la brillante chef étoilée et MOF Virginie Basselot, qui continue la légende du Chantecler en l’enracinant avec authenticité dans la modernité. Elle propose toute sa personnalité, son engagement, sa fibre d’une force tranquille, exigeante et affranchie d’une cuisine puissante et raffinée à la fois, entre audace et précision. Les assiettes vibrent de sincérité des produits sublimés de leur propre vérité.
Née à Deauville, dans une région fertile et gourmande, elle s’imprègne très tôt de l’univers de la restauration auprès de son père qui manie l’art du recevoir et du bien manger dans son Auberge de Pont-Lévêque. Elle y découvre, goûte et apprend les beaux et nobles produits de sa Normandie. Après une hésitation à devenir pilote de chasse, elle « s’engage » dans les cuisines, malgré les réticences de son père de la voir embrasser cette carrière difficile et parfois ingrate. Elle brave les obstacles, passe toutes les étapes pour réussir et vivre de sa passion : entre stages et apprentissages d’abord chez Christian Girault, puis dans les brigades du Ciro’s et au Casino de Deauville…. A 19 ans, elle quitte sa terre natale pour la capitale et travaille directement au Crillon (orchestré par Dominique Bouchet), puis elle intègre les équipes de Guy Martin au Grand Véfour, qui obtient quelques temps plus tard la troisième étoile ; elle y apprend la rigueur et les vibrations d’une telle consécration. Les voyages successifs de la brigade avec le chef au Japon lui font découvrir de nouvelles techniques, comme la découpe minutieuse des poissons et le raffinement du travail des légumes… Après trois ans, elle retourne dans un Palace parisien, cette fois au Bristol, auprès d’Eric Fréchon, qui a pour objectif d’atteindre le firmament de l’excellence avec les trois étoiles : il s’entoure des plus jeunes chefs de la capitale, passionnés et vibrant d’une soif et d’un désir mordant de créer et de donner le meilleur d’eux mêmes, comme Virginie Basselot, Nicolas Decherchi, Christopher Hache et Stéphane d’Aboville. La troisième étoile arrive en 2009, Virginie est alors nommée « Sous-chef » : une des premières femmes à ce poste dans un établissement de cette envergure. Elle rêve alors de voler de ses propres ailes et d’ouvrir son établissement (Eric Fréchon et son père lui conseillent, au vu de la conjoncture, de devenir d’abord chef d’une belle maison), et c’est le Saint-James à Paris, atypique hôtel (Relais & Châteaux et Club Privé à la fois), à l’ambiance britannique, campagnarde-chic et feutrée, d’une dimension chaleureuse et conviviale, qui lui propose en 2013 la place de chef ; un an plus tard, elle obtient une étoile au Guide Michelin. En 2015, elle se présente au prestigieux concours du Meilleur Ouvrier de France et devient alors la seconde femme chef à atteindre cette distinction, faisant suite à la chef Andrée Rosier en 2007. Quelques temps plus tard, Laurent Branover (directeur générale de La Réserve Hotel, Spa & Villas Genève) lui propose de devenir chef exécutif des 4 restaurants et du room-service de ce refuge de luxe et d’hospitalité à l’élégance et discrétion Suisse, installé à quelques kilomètres du centre de Genève au bord du Lac Léman. Elle sera en charge du gastronomique Le Loti et collaborera également avec les chefs Éric Canino pour le Café Lauren et Frank Xu pour le restaurant chinois étoilé Tsé Fung. Elle est élue par le guide Gault & Millau Suisse « Cuisinière de l’année 2018 »
La même année, suite au départ de Jean-Denis Rieubland, Le Negresco et son directeur Pierre Bord (qui a su insuffler à l’établissement le renouveau et la modernité dans une respectueuse continuité) cherchent un profil idéal pour prendre la succession des cuisines du Chantecler, de La Rotonde , du Room-service et du service banquet, et qui corresponde à l’image et à la philosophie de ce joyau de la Promenade des Anglais. Virginie est une personne discrète, volontaire et directe, qui sait ce qu’elle veut : c’est la personne qu’il faut. Très vite séduite par le lieu, son histoire et surtout pour son côté atypique, elle accepte de prendre les rênes des cuisines du Negresco pour continuer à créer son histoire. Madame Augier aurait assurément aimé cette collaboration et aurait été fière de voir une première femme chef et MOF de son établissement. Toutes deux ont un parcours de femmes libres, créatives et entreprenantes, qui ont su modeler leur chemin à leur façon, sans contrainte et peur des « ont dit », pour toujours aller de l’avant.
Après quelques temps pour apprivoiser cette institution et son organisation, la chef s’est constituée une brigade à son image, dans une idée de transmission et de partage, elle s’est entourée de jeunes cuisiniers passionnés et passionnants, qui aiment leur métier avec vérité et intensité, notamment avec sa Sous-Chef Victoria Boller, Victor Marion, son chef pour La Rotonde, sans oublier Corentin, Brice, Charles et Thomas…. et pour la partition sucrée Fabrice Didier, le chef pâtissier et Charles Bernard, Moona, Louise, Louka, Oféline et Florian. Ensemble, ils apportent une nouvelle dynamique et envergure qui manquait au Chantecler, et le font vibrer avec sincérité dans l’air du temps.
Virginie Basselot, qui s’est imprégnée de la région et de ses traditions culinaires tout en gardant sa personnalité et ses plats signatures, voue une véritable passion pour les produits qu’elle découvre, déniche lors de ses pérégrinations dans l’arrière pays. Elle transmet et retranscrit avec justesse le savoir-faire de ses producteurs et fournisseurs qu’elle honore tout au long de ses créations : Agnès et Renaud Papone, pour leurs légumes savoureux, sains, « vertueux » et respectés. Eric Martin et Martha-Cécilia Londono Salazar pour leurs volailles d’exception à la chair soyeuse et au bon goût d’autrefois, la boucherie voisine : La Maseleria, pour le cochon noir de Bigorre, les poissons de la Baie des Anges de Steve Molinari, l’un des derniers pêcheurs de Nice, sans oublier les fromages Nery’s, fromager installé derrière le Negresco… On voyage dans tout le 06, de Saint-Jeannet à Antibes, en passant par Menton, Venanson et Valderoure…. une sélection comme rarement aussi locale et de véritable proximité.
Le menu, Les Secrets de Virginie, révèle parfaitement la philosophie, l’engagement et la personnalité de la chef et de sa brigade dans toute sa profondeur.
Tout commence par des mises en bouche présentées, tels des joyaux à l’accent nissart, sur un support en bois d’olivier et posés en élégance sur une branche d’olivier en argent entourée de quelques galets de la Baie des Anges, si proche, pour un parfait écho. La socca se fait crispy d’une tuile et s’enveloppe d’une crème de pois-chiche. La pissaladière se structure en bouche au fur et à mesure, elle est anchois, puis oignons, et pâte fine et devient promptement, elle-même à part entière en bouche. Le cromesquis de cèpes est une bouchée, qui éclate de terroir et de sous-bois de l’arrière pays. Le beurre normand cru est en duo : nature ou inspiré de citron et d’huile d’olive. L’excellent pain, de l’artisan boulanger des tables étoilées de la région (Jean-Paul Véziano à Antibes), servi en corbeille en porcelaine (signée de la céramiste Sylvie Lorne) posée sur la table est une douce idée des moments de partage en famille.
La pré-entrée vous plonge dans les profondeurs de la Méditerranée, de pâtes riso et de pétales de safran emprisonnés dans une gelée de citron, surmontés d’une soupe de poissons de roche en siphon. En une seule cuillère, on y retrouve tous les traceurs d’une véritable soupe en tradition des pêcheurs, mais ici dans une version puissante et concentrée, d’un intense relief. Le citron ravive et dynamise le tout, les croutons de parmesan apportent le croquant gourmand et s’étoffent en harmonie de la fleur de safran, comme une rouille. C’est vibrant et sincèrement impactant et éveille les papilles en justesse.
Le loup sauvage de Méditerranée et huîtres de Normandie en tartare, crème citron et caviar de Sologne : un plat signature de la chef qui raconte à merveille son histoire, son amour de la mer (qu’elle soit Méditerranée ou Manche) et des beaux produits. L’assiette est raffinée, ciselée et lisible, non alambiquée, elle va droit aux saveurs en bouche et touche le coeur. L’iode y est maitrisée avec précision et jubilation, l’huître Krystale au goût nacré donne de sa mâche et le loup balance en finesse, le caviar se fait suave, la crème citronnée apaise en relief et la laitue de mer, en pointe crémeuse, apporte cette fraîcheur herbacée de la mer, si plaisante, et qui finalise dans une belle longueur : tout est là!
L’instant Végétal aux radis, raisin de Muscat, sorbet aux herbes : simplicité et pureté visuelle infinie d’une entrée végétale en perfection. Un jardin sublime des saveurs, qui met en appétit et nettoie le palais par une acidité pondérée, une sucrositée naturelle et harmonieuse du Muscat. Le radis « red meat » en carpaccio se croque terriblement de vie, l’huile d’olive, tel un fruit ardent, et la vinaigrette miel pulpent prodigieusement tout ce petit monde végétal. Le sorbet aux quatre herbes et agrumes (citron, citron vert, orange) charpente et accomplit le tout.
Noix de Saint-Jacques de la Baie de Seine, kakis frais de Golf-Juan et condiment estragon : travaillée comme une viande au barbecue, d’une pointe fumée en équilibre, la Saint-Jacques subjugue de par sa texture et sa saveur, entre puissance et subtilité. Le kaki en coulis apporte son paradoxe bienfaiteur, astringent et miélé à la fois, il est piqué de gel d’estragon pour un parfait accord herbacé qui précipite la Saint-Jacques dans une dimension du sublime.
Le céleri rave d’Agnès laqué au miel de bruyères, café d’Ethiopie pain vapeur aux feuilles : tout débute en premier service par le pain vapeur aux feuilles de céleri, cette petite boule lisse verte et bombée, n’est pas sans rappeler un Bao gourmand farci en surprise d’une brunoise de céleri qui acclimate le palais pour la suite, c’est gourmand et ludique à la fois. Arrive alors, le céleri rave, à l’allure ronde et parfaite, qui ferait penser à cette friandise indienne des grands jours, le Gulab. Le céleri est rôti et cuit à l’étouffée comme une pièce de viande, nourri au café et au miel qui apporte ce côté laqué des plats asiatiques, d’une sauce hoisin, et le poivre de Kumpot pimpante le tout à propos : un concentré de saveur en réduction maximale d’une grande personnalité. On coupe, on croque, on sauce, on déguste, c’est brillant, gourmet et réjouissant.
Le Trou Normand, pommes caramélisées, sorbet grany-smith et calvados : véritable clin d’oeil de la chef à ses origines et à une tradition des grandes tables. C’est frais, justifié et parfaitement bien amené.
Le Lièvre à la royale, cèleri, châtaignes, farfalles de cresson et raifort, est un plat de gibier emblématique de la gastronomie française, qui avait été quelque peu mis de côté ces dernières années et qui revient au goût du jour auprès des chefs d’aujourd’hui qui renouent avec la tradition et le proposent dans une version respectée, mais épurée. La chef le présente dans sa forme de galantine chaude nappée de sa sauce au vin liée en puissance, lisse et brillante. Tous les arômes et saveurs sont concentrés et confits à la fois. La purée de châtaignes et les billes de céleri renforcent la saisonnalité de ce plat. Les farfalles de cresson ont le bon goût du beurre des plats de pâtes de l’enfance, avec cette pointe herbacée du cresson, qui titille avec bienfaisance ce lièvre racé.
Les Fromages de nos régions sélectionnés et affinés par le fromager voisin Nery.
Au tour de l’équipe de pâtisserie de prendre le relais pour terminer ce menu en douceur et réconfort.
Le Kaki de Golfe-Juan au vinaigre de Sakura, croustillant et tuile de riz soufflé est le pré- dessert d’une transition en fraîcheur et un lien entre le salé, le sucré, l’amer et l’acide, et prépare le palais vers la suite. Le Kaki est un fruit atypique et rarement travaillé, il est ici associé avec le vinaigre de Sakura qui le renforce dans son identité et peut déstabiliser ou déconcerter certains palais.
Huile d’olive de Champsoleil, crémeux léger à la fleur d’oranger, fins pétales de chocolat du Venezuela : les fines feuilles de chocolat en filigrane jouent de l’ombre et de la lumière, comme tombées directement de l’arbre. Elles dissimulent une aérienne crème engourmandisée de l’apaisante fleur d’oranger, tel un café blanc libanais. Le frétillant trait d’huile d’olive ravive les sens et assemble.
Les mignardises, présentées comme les amuses-bouche, font la conclusion de ce remarquable menu, percutant et engagé.
Tartelette pomme verte et fenouil, rouleau de guimauve cardamome verte et myrtille et raviole, revisite du calisson d’Aix en Provence, amande et compôtée bergamote.
L’accord mets et vins du menu est un fabuleux voyage dans la richesse des vignes de l’hexagone et au delà, parfaitement cadencé et raconté avec émotion par le chef sommelier Florian Guilloteau et Marjorie Guyonnet. Le livre des vins est un véritable recueil de références pointues des grandes sommelleries.
Le service de salle étincelle avec une douce fierté d’une belle mission : celle du faire plaisir pour offrir un moment unique, vrai et ému : Florian, Nawfal, Marjorie, Ricardo … tous contribuent avec professionnalisme aux bonheurs gourmands.
La prestigieuse salle aux boiseries datant de 1751 et aux portraits XVIIIe qui a accueilli, depuis plus de 40 ans, gourmets, gastronomes connus et inconnus, grands de ce monde et têtes couronnées, stars et artistes…. aurait tant de choses à raconter et pourrait vivre ainsi dans le passé et tourner le dos à l’avenir… si ce n’était pour l’arrivée de la chef, d’un nouveau directeur (Lionel Servant) et d’une équipe jeune et enthousiaste. Ensemble, ils font évoluer avec respect, la tradition dans la modernité. Cette année, la salle a été sublimée par des jeux de lumière contemporains, les nappes roses, ne sont plus, et sont remplacées par du linge immaculé de blanc qui met en avant les arts de la table, créées sur mesure par Elisabeth Monroy pour Safran créations. L’assiette de présentation du coq, signée de l’artiste peintre et amie de Madame, Isabelle Planté (qui a également signée le portrait de Madame « La Dame à l’Oeillet ») y ressort de toute sa splendeur. L’oeuvre d’Art floral du fleuriste et MOF Hervé Freyzal est tel un cadre cadençant les saisons. La flamboyante moquette est immuable du leg de Madame. La nouvelle terrasse en front de la Promenade des Anglais, au mobilier tendance et ouaté, est une bulle de glamour, chic et hors du temps, où il est si bon de déguster un cocktail pour un parfait prélude aux plaisirs gourmands. L’emblématique entrée principale à la marquise rouge et or du rutilant Chantecler reprend sa fonction, d’accueillir les clients en grandeur.
Un dîner au Chantecler par Virginie Basselot est un instant rare et accompli qu’il est difficile d’oublier, car vivre un dîner de grâce, d’attentions, de passion, de vie et de grande gastronomie reste gravé dans la mémoire des sens à jamais.
Madame aurait été fière de voir le Chantecler briller à nouveau au firmament de la gastronomie française d’aujourd’hui, avec cette touche si particulière qui caractérise si bien le Negresco.
Un Negresco qui ne cesse d’évoluer : de nouvelles chambres et suites sont réaménagées et interprétées dans l’esprit Maison, réalisées par les artisans tapissiers (Compagnons du Devoir) des ateliers situés sur place (l’hôtel a reçu le label « Entreprise du Patrimoine Vivant »), cette année, la mezzanine du Bar a été nouvellement aménagée pour un moment intime, précieux et presque secret et dans les prochains mois, l’établissement s’étoffera d’un superbe Spa situé sur trois niveaux avec piscine et cabines de soins… Le Negresco, la légende de demain.
Entrées 41 à 98€ – Plats 52 à 110€ – Desserts 25€
Menu Eveil des Sens en 3 Actes 110€ – Accord mets et vins 75€
Menu Le Chant des Saveurs en 5 Actes 150€ – Accord mets et vins 100€
Menu Les Secrets de Virginie en surprises, 8 Actes – Accord mets et vins 120€
37, Promenade des Anglais
06000 Nice
+33 (0) 4 93 16 64 00