LE CINÉMA N’A PAS BESOIN D’ARGENT PUBLIC

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Entre les aides directes et les incitations fiscales, le secteur reçoit chaque année environ 500 millions d’euros de subventions, sans compter l’apport des chaînes publiques et les largesses du régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle.

Le succès du cinéma sud-coréen ? Moins d’argent public

Un article fort intéressant de Jimmyn Parc et Patrick Messerlin, publié dans la revue Commentaire de cet automne 2022, analyse comment le cinéma coréen a pu prendre une grande ampleur en consommant beaucoup moins de subventions et sans doute parce qu’il était beaucoup moins subventionné.

Au début des années 1980, le marché coréen du cinéma était très modeste –à peine 12% du marché français. Pour protéger son économie cinématographique, le gouvernement avait alors fixé des quotas, très étroits, limitant le nombre de films étrangers importables en Corée du Sud. Ce fut une catastrophe pour la production locale. Ces quotas d’importation ont été abandonnés en 1986 et, malgré la conservation marginale de quotas à l’écran sur le nombre de jours réservés aux films coréens, le marché s’est ouvert. Dans un premier temps, le nombre de films coréens produits n’a pas augmenté, mais leur succès n’a pas cessé de croître, leur recette moyenne passant de 0,6M$ en 1990  à 7,2M$ en 2005. Certes, le marché coréen du cinéma demeure moins important que celui des Etats-Unis, mais les recettes par habitant y sont nettement supérieures à celles des marchés européens. Pourtant, notent les auteurs de l’article, « En 2006, les subventions coréennes à l’industrie du cinéma coréenne se montent à moins de 40 millions de dollars, contre près de 500 millions en France ». Et elles visent à créer des infrastructures communes plutôt qu’à aider les producteurs. Après l’introduction en 2007 d’une taxe sur les places de cinéma pour financer des subventions au profit de l’industrie du cinéma, le niveau d’aide a crû, mais modestement. Cette taxe est trois fois inférieure à la taxe française équivalente. Le soutien public en Corée reste quatre fois inférieur à celui de la France à taille comparable.

Une plus grande liberté d’organisation et de diffusion

Moins aidé, le marché du cinéma coréen a dû s’adapter. Moins réglementé, il a pu le faire, notamment, en choisissant plus librement la présentation en salle ou la diffusion en streaming, en faisant tourner plus vite ses films en salle… Alors qu’aujourd’hui en France, une « chronologie des médias » impose encore de réserver aux salles le privilège de montrer tous les films pendant des durées variables, de six à dix-sept mois selon les cas et que néanmoins, les plateformes de streaming ont dû s’engager, en 2021, à augmenter leur financement à la création française conformément à la directive européenne sur les services de médias audiovisuels. Certes, le cinéma français reste important, mais il a été rattrapé par la Corée qui en 2019 a produit 716 films avec 227 millions d’entrées, contre 301 films dans l’Hexagone avec 217 millions d’entrées.

Une plus grande liberté d’organisation et de diffusion a permis au cinéma coréen de se développer de manière remarquable. A défaut d’aides publiques significatives, il a dû compter sur lui-même et faire des efforts de productivité et de qualité pour gagner son public quand le cinéma français continuait de chercher des primes plutôt que de faire preuve de créativité.

A partir de différents critères, les auteurs de l’article de Commentaire ont évalué et comparé la qualité moyenne des films produits en France, aux Etats-Unis, au Royaume–Uni et en Corée. « Les films coréens émergent comme ceux ayant la meilleure qualité tant auprès du public que des critiques ». Cqfd.

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