PIERRE MOSCOVICI, LA COUR DES COMPTES ET LA RÉPUBLIQUE ABIMÉE

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Voici le dernier épisode du comportement arrogant de nos élites, qui considèrent que la République leur appartient et qui disposent de leurs fonctions comme d’un fief personnel, dont elles n’ont à rendre de comptes qu’à elles-mêmes. On y voit aussi qu’elles savent parfaitement s’abstraire de la Constitution pour autant que cette dernière les gêne et combien le peuple compte peu pour elles, tant elles se sentent supérieures à tous ceux dont les deniers assurent pourtant leur rémunération.

 I – LES FAITS

 De quoi s’agit-il ? Nos lecteurs ont en mémoire le parcours sinueux et difficile de la dernière loi sur l’immigration. Ils savent combien les débats ont été vifs au Parlement et combien ils le restent dans l’opinion, avec le fait sans précédent que pas moins de trente-deux Présidents de Conseils généraux sont entrés en dissidence, en annonçant clairement leur prochain refus d’appliquer la loi dès avant son examen par le Conseil constitutionnel. Or durant tout ce temps et alors que le rapport que la Cour avait préparé sur la politique de lutte contre l’immigration irrégulière était prêt dès le 13 décembre dernier, son Président avait décidé tout seul – et en revendiquant la responsabilité – d’en différer la publication, au motif que la production de ce rapport en plein débat sur l’immigration aurait pu mettre le feu aux poudres et favoriser des affrontements et des débordements nuisibles au vote de la loi.

II – LA CONSTITUTION

 Pourtant ce n’est pas à M. Moscovici, dont l’expérience est reconnue, que l’on apprendra que l’article 47-2 de la Constitution précise que la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement /…/ dans l’évaluation des politiques publiquesPar ses rapports publics, elle contribue à l’information des citoyens. Or par son refus délibéré de publier dès son achèvement un rapport qu’il savait fort critique à l’encontre de la politique d’immigration du Gouvernement, le Président de la Cour des comptes a pris la lourde responsabilité de violer par trois fois l’article constitutionnel précité :

1 – en refusant d’assister le Parlement – et même en entravant volontairement son information – durant la discussion et le vote du projet de loi du Gouvernement ;

2 – en refusant d’assister le Parlement dans son contrôle de la politique publique d’immigration, en soustrayant durant trois semaines ou presque à sa connaissance des éléments qui lui auraient permis de mieux cerner l’ampleur réelle du problème ;

3 – en refusant enfin d’informer les citoyens, qui sont pourtant personnellement engagés dans ces débats non seulement en tant que contribuables, mais aussi en tant que victimes quotidiennes des meurtres et autres agressions liés à l’immigration.

Et ce faisant, M. Moscovici a inévitablement faussé le jeu démocratique en prenant le risque de tronquer les débats et, qu’il l’admette ou non, son initiative a indirectement pesé sur l’adoption, la teneur et peut-être même sur l’équilibre d’un texte. Pis, M. Moscovici s’est approprié comme sa chose la publication et la diffusion d’un rapport qui, certes, est le fruit du travail des magistrats et autres agents de la Cour qu’il préside, mais ce travail ne lui appartient pas, car ce sont bien – comme indiqué plus haut – les contribuables et eux seuls qui, par leurs impôts, financent l’ensemble du fonctionnement de la Cour.

 III – LA FAUTE

 Plus grave encore, dans le but évident de ne pas fâcher un Président qui l’a nommé le 3 juin 2020 et de ne pas ajouter à l’embarras d’un Gouvernement empêtré dans une politique qu’il ne parvient pas à maîtriser, ce Chef de juridiction a de fait et en choisissant son camp soustrait la Cour des comptes au principe de la séparation des pouvoirs de la Constitution de 1958. Cependant n’est pas maître du temps qui veut et quoiqu’il s’en défende, Monsieur Moscovici a troqué la toge du Magistrat pour revêtir la bure de l’obligé à l’appui de la politique de l’Exécutif. Il renie au passage son serment de magistrat : Je jure de remplir mes fonctions avec indépendance, impartialité…puisque ce n’est nullement par inadvertance, mais dans un but bien précis qu’il a différé durant trois semaines la publication de ce rapport. Si bien que l’opposition, qui était la seule à tout ignorer ou presque de son contenu, préalablement communiqué et discuté avec le Gouvernement, est fondée à se demander si, avec un tel Président, la Cour des comptes n’est pas devenue l’auxiliaire des groupes de la majorité (relative) au pouvoir, en cessant d’être une institution au service de la Nation tout entière. Telle quelle, la potion est déjà amère, mais on s’étouffe dès qu’on apprend que, comme pour se dédouaner, le Président Moscovici prétend qu’il aurait pu faire bien pire, en se refusant tout simplement à publier le rapport en cause.

IV – CONCLUSION : LA RÉPUBLIQUE ABIMÉE

 On sait que, pour les Républicains, M. Wauquiez a réclamé la démission de M. Moscovici, mais il n’est pas dans notre propos de nous prononcer sur cette demande. Néanmoins si, après les déclarations précédemment rapportées et dont la dernière relève ouvertement de la provocation, aucune sanction énergique n’est prise contre leur auteur, que la rue Cambon prenne garde ! Car, cette incartade s’ajoutant à son refus obstiné et sous des prétextes peu convaincants de censurer le scandale rampant des rémunérations illicites du Conseil constitutionnel, c’en sera fini pour longtemps de l’autorité de la Cour des comptes auprès des Français. Jusqu’à présent, seulement certains de ses choix et le peu d’efficacité relative de ses rapports faisaient débat. Maintenant il va falloir y joindre l’échéancement de leur publication, puisqu’aujourd’hui la Cour se réserve la faculté discrétionnaire de décaler ses publications, de manière à éviter qu’elles puissent éclairer utilement les travaux en cours du Parlement en compliquant la tâche de l’Exécutif et de sa majorité.

Certes le nouveau Premier Ministre sait déjà qu’il peut bénéficier de l’appui d’un Magistrat compréhensif, mais c’est malheureusement en abimant encore un peu plus  l’image de cette République exemplaire qu’on nous avait promise. Au Parlement donc, s’il en a le courage, s’il suspend ses pitoyables chamailleries et s’il retrouve le sens de l’intérêt général, de faire solennellement remontrance au Président de la Cour des comptes qu’il a lourdement failli. Il faudra aussi lui signifier fermement que la représentation nationale ne tolérera pas de sa part une nouvelle désertion au feu, en lui rappelant qu’au regard de la Constitution, la double mission de la Cour d’assistance aux élus et d’information des citoyens n’est pas une simple option à éclipses, mais une obligation permanente.

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