Emmanuel Macron, président des riches ? Ses opposants lui collent volontiers cette étiquette. L’intéressé et son entourage s’en défendent ! Pourtant force est de constater que depuis qu’il est à l’Élysée, le nombre de riches a fortement progressé. Il représente aujourd’hui la moitié des Français.
Pour définir ce qu’est un « riche », le dictionnaire ne nous aide guère. Est riche, en effet, celui « qui a de la fortune, qui possède des biens en abondance, qui a beaucoup d’argent ». Qu’entend-on par « beaucoup » et par « abondance » ? On ne le sait pas. Chacun peut donc avoir sa propre vision du riche.
Par extension, le dictionnaire définit aussi le riche comme celui « qui possède un peu d’argent par rapport à quelqu’un qui est dans un état de dénuement ». Voilà qui fait sérieusement baisser le niveau de la richesse. Si être riche est n’être point dans le dénuement, nous sommes assurément assez nombreux à l’être.
L’État définit le riche
Ce qui est vrai est que la notion de richesse est toute relative. Elle varie selon les pays ou les époques. En France même, il est probable que la définition de la richesse ne soit pas la même à Paris (le département le plus riche avec 47 695 € en moyenne de revenus déclarés par foyer en 2020) et à Mayotte (le plus pauvre avec 12 505 €). Par ailleurs, faut-il prendre en compte les revenus ou le patrimoine pour définir un riche ?
On peut compter sur les politiques pour nous éclairer. Ainsi, en instaurant un impôt sur le revenu progressif en 1914, Joseph Caillaux n’a-t-il pas contribué à mieux distinguer les riches des autres Français ? A moins que ce ne soit Pierre Waldeck-Rousseau en 1901 en rendant progressifs les droits de succession ? Et François Mitterrand, en donnant naissance à l’impôt sur les grandes fortunes (IGF) en 1982, n’a-t-il pas définitivement tranché la question ?
Si l’on prend en compte le patrimoine, est donc aujourd’hui riche en France celui qui détient plus de 1,3 million d’euros (M€) de biens immobiliers, seuil de déclenchement de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Ils étaient 164 000 en 2022 à s’être acquittés de cet impôt. En revanche, ceux qui détiennent la même somme en actions cotées en bourse sont sans doute fortunés, mais ils ne sont pas imposés au titre de l’impôt sur le patrimoine. Il y aurait donc des richesses acceptables et d’autres qui le seraient moins.
S’agissant des droits de succession, l’État est moins regardant. Il taxe tout au-delà de 100 000 €. Cela signifie-t-il que l’on est riche à partir de ce montant ? A moins qu’on ne le soit seulement si l’on entre dans la tranche marginale au taux de 45 % pour les patrimoines de plus d’1,8 M€ ?
L’Insee considère (chiffres de 2018) que l’on appartient à la catégorie des hauts patrimoines à partir de 549 600 € nets (une fois déduits les éventuels emprunts). C’est cela que l’ancien commissaire général de France Stratégie, Jean Pisani-Ferry, souhaite taxer pour financer le coût de la lutte contre le réchauffement climatique (5 % du patrimoine des 10 % des Français les plus aisés). Mais ne peut-on estimer que l’on est fortuné si l’on possède un capital supérieur à la moyenne (239 900 € nets en 2018) ou au-delà de la médiane (117 000 € nets) ?
Nous voyons que la richesse patrimoniale est bien relative. Elle est fonction des lois et des opinions. Il en est de même des revenus. Doit-on considérer que l’on est riche si l’on est assujetti à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ? Elle est due par ceux dont le revenu fiscal de référence dépasse 250 000 € par an. A moins que ne soient vraiment riches que ceux qui sont soumis à la tranche supérieure de cette contribution exceptionnelle (qui est de 4 %) et dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 1 M€ ? Ou encore, les plus imposés à l’impôt sur le revenu (45 % à partir de 168 995 €) ?
De même qu’il a défini des hauts patrimoines, l’Insee a créé la catégorie des « très hauts revenus » constituée des personnes appartenant aux 1 % les plus aisées de la population, c’est-à-dire celles qui avaient un revenu initial par unité de consommation supérieur à 115 880 € par an en 2018.
Pas facile de s’y retrouver ! On se demande alors si l’on ne pourrait pas définir le seuil de richesse comme on calcule le seuil de pauvreté ? Celui-ci est fixé par convention à 60 % du niveau de vie médian de la population (22 040 € annuels), soit 13 224 € en 2019. Le seuil de richesse pourrait-il alors être fixé à 120 % du revenu médian, c’est-à-dire 26 448 € ? A moins qu’il ne faille l’établir à 200 %, soit 44 080 € ?
Pour Macron, la moitié des Français sont riches
Le plus simple n’est-il pas d’interroger les Français ? Selon un sondage Odoxa-Blackbone pour Le Figaro, publié le 19 mai 2023, 6 % d’entre eux se considèrent comme aisés (71 % disent appartenir aux « classes moyennes » et 23 % aux « classes populaires »).
Si l’on reprend les chiffres de l’Insee (qui datent malheureusement de 2018 !), et si l’on s’en tient aux revenus, ils gagneraient plus de 102 880 € qui est le revenu annuel moyen du dernier décile.
Nous sommes donc au-dessus du seuil fixé par Emmanuel Macron. En effet, le président de la République a annoncé le 15 mai dernier qu’il allait baisser les impôts des « classes moyennes », c’est-à-dire les Français « qui sont trop riches pour être aidés et pas assez riches pour bien vivre », ceux dont les revenus mensuels se situent « entre 1 500 et 2 500 € ». Par conséquent, aux yeux du Président, tous ceux qui gagnent plus de 2 500 € par mois (30 000 € par an) sont riches.
Pour François Hollande, en 2007, étaient riches ceux qui gagnaient plus de 4 000 € par mois, c’est-à-dire moins de 10 % des Français. Avec Emmanuel Macron, 50 % des Français sont riches, puisque la moitié des ménages dispose d’un revenu inférieur à 2 552 € par mois (chiffre de 2018).
Par un tour de passe-passe dont il a le secret, Emmanuel Macron a donc multiplié le nombre de riches Français par plus de 5 en 16 ans, les faisant passer de 6 millions en 2007 à 34 millions en 2023.
De quoi donner du grain à moudre au parti de Mélenchon dont un des députés, Bastien Lachaud, tweetait il y a quelques semaines : Macron, « plus que jamais le président des riches ! »
Ne serait-il pas plutôt celui de la smicardisation des Français ?